Libre by Laurent Chabin

Auteur:Laurent Chabin [Chabin, Laurent]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
ISBN: 9782894358788
Éditeur: Éditions Michel Quintin
Publié: 2013-12-24T23:00:00+00:00

Jarl a passé la nuit près de sa compagne, qui n’a pas bougé d’un cheveu. Il a respecté son silence et s’est abstenu de tout geste envers elle – même si l’envie de la prendre dans ses bras l’a tenaillé à plusieurs reprises. Il manie mieux l’épée que les sentiments…

Il se sent terriblement coupable, aussi. C’est lui qui a suggéré à Khojen que Leif serait en sécurité si elle le laissait dans la hutte pendant les combats. Il s’en veut, mais il ne sait pas comment il doit agir. Quoi qu’il en soit, il n’osera pas parler le premier. Et si la jeune femme l’agresse ou le frappe, il ne se défendra pas.

Au matin, Khojen se relève enfin. Ses yeux sont encore rouges, mais ils sont secs. Son visage est dur et ses traits crispés, sans pour autant exprimer la menace ou la haine. Jarl en est soulagé, mais il a l’impression qu’elle a vieilli de plusieurs années en quelques heures.

— Tu connais ces gens, Jarl, dit-elle d’une voix étrangement calme. Tu es l’un d’eux, dans le fond. Alors dis-moi : qu’ont-ils l’intention de faire avec un enfant de trois ans? Il est beaucoup trop jeune pour être vendu comme esclave.

Jarl semble émerger d’un rêve. La faible lumière provenant de la porte restée entrouverte souligne son teint blafard.

— Les Scrames prennent tous les captifs sans distinction d’âge, répond-il. Les plus jeunes, ceux qui n’ont pas encore de mémoire, ils ne les vendent pas. Tous ceux dont l’esprit ou le corps n’est pas encore formé, ils les élèvent comme leurs propres enfants. Les garçons, du moins. Ils en font des guerriers comme eux. Des guerriers redoutables puisqu’ils n’ont rien à perdre.

— Ils ne les tuent donc pas.

— Ils leur sont nécessaires, cela n’aurait aucun intérêt pour eux de les éliminer. Les Scrames sont des têtes brûlées et ils meurent au combat plus souvent qu’à leur tour. Ils ne sont pas assez nombreux pour compenser leurs pertes. Pour cette raison, ils ont besoin d’enfants, même venus d’ailleurs. Il suffit qu’ils soient assez jeunes pour être tout à fait malléables. Leif est dans ce cas. Ils en feront un vrai Scrame.

— Un Scrame aux yeux et aux cheveux noirs?

— Un Scrame qui n’aura peur de rien et qui saura manier les armes.

— Il est donc vivant.

— Oui, et il le restera.

— Alors j’irai le chercher.

— J’irai avec toi, Khojen.

— Ce n’est pas nécessaire.

Jarl fronce les sourcils.

— C’est ma décision, reprend-il. C’est à cause de moi que tu l’as laissé dans la hutte. C’est moi qui t’ai conseillé de le faire. Sans cela, Leif serait peut-être encore ici avec nous.

— Nous n’en savons rien. Et puis tu ne m’as pas obligée. Je l’ai suivi de mon plein gré, ton conseil. Je suis responsable de mes actes, je n’ai pas l’habitude d’en rejeter la faute sur les autres.

Jarl ne répond pas tout de suite. Il note simplement que Khojen ne s’est pas opposée à sa requête. Il demeure songeur un long moment, puis il demande, tout simplement :

— Quand partons-nous?

— Quand nous serons prêts.

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